L'opération du patient receveur

Page mise à jour le 17/12/2014
Auteur : 
Dr. Eric Vibert, Chirurgien transplanteur

Chirurgiens au bloc operatoire - Hopital Paul Brousse - Centre Hépato-BiliaireAfin de diminuer la durée d'ischémie froide, l'explantation du foie natif est débutée dès que le greffon est jugé utilisable. La parfaite coordination des équipes est essentielle pour limiter l'ischémie froide du greffon. C'est pour cela que, lorsque le greffon doit être prélevé à distance du receveur, le transport de l'équipe de prélèvement s'effectue toujours avec des ambulances spécialisées, escorté par une équipe de la Police Mobile aux heures de pointe et pour les distances importantes en avion-taxi.

Anesthésie

La transplantation hépatique s'effectue toujours sous anesthésie générale et intubation orotrachéale. Le receveur est équipé pour le monitorage et l'anesthésie de cathéters artériels et veineux (périphérique et centraux), de capteurs thermiques, d'une sonde urinaires et d'une sonde gastrique (sauf chez les patients porteurs de varices oesophagiennes). L'installation du malade en salle d'opération dure environ 1 heure.

Incision

Typiquement, l'incision est une incision appelée en « mercedes » : une longue incision sous les côtes des deux côtés associée à un refend médian qui remonte jusqu'à la base du sternum. Des écarteurs en métal permettent d'élargir encore l'ouverture écartant les cotes de part et d'autre. Cette grande incision est nécessaire pour retirer le foie du fait de son volume (l'organe le plus volumineux du corps humain) et de sa situation dans la partie haute et droite de la cavité abdominale.

L'hépatectomie totale

Le premier temps de la transplantation est l'explantation du foie natif (hépatectomie totale). C'est une phase parfois très difficile et hémorragique notamment en cas de cirrhose grave où le foie est petit, pierreux et entouré d'un réseau veineux de dérivation sous pression (hypertension portale).

En présence d'une cirrhose grave et d'une hypertension portale importante, le foie est souvent retiré en emportant la veine cave qu'il entoure. Dans ce cas, il peut être nécessaire d'utiliser un circuit véno-veineux entraîné par une pompe magnétique et qui passe en dehors du corps du patient (circulation extracorporelle véno-veineuse). A la différence de la circulation extracorporelle utilisée en chirurgie cardiaque il n'y a pas d'oxygénateur (donc le cœur et les poumons fonctionnent normalement) et l'anticoagulation du circuit n'est pas nécessaire. Le but de ce type de circulation extracorporelle est de détourner le sang provenant de la veine cave inférieur sous hépatique et le sang provenant de la veine porte directement vers le cœur sans qu'il traverse le foie. Les avantages de cette technique sont de permettre le retrait de la veine cave rétro-hépatique sans danger, de permettre le drainage veineux des reins malgré le retrait de la veine cave rétro-hépatique et de diminuer l'hyperpression du réseau veineux portale de dérivation péri-hépatique. L'inconvénient de ce dispositif est le temps nécessaire (30 à 45 minutes) à la mise en place de 3 volumineuses canules : veine fémorale au pli de l'aine pour récupérer le sang cave inférieur, veine porte dans l'abdomen pour récupérer le sang porte, et veine axillaire gauche pour réinjecter le sang (cave et porte) dans le cœur.

En absence de cirrhose ou en présence d'une cirrhose modérée, l'hépatectomie totale est réalisée en conservant la veine cave rétrohépatique chez le patient. Ainsi, il n'est pas nécessaire de mettre en place une pompe car le sang de la veine cave inférieure sous hépatique rejoint sans difficulté le cœur du fait de la « conservation cave ». Dans plus de 75% des cas, la veine cave peut-être conservée.

La mise en place du greffon

Après l'ablation du foie natif, l'organisme du receveur se retrouve dépourvu de fonction hépatique (anhépatie). A ce moment, la préparation du greffon est normalement terminée et le greffon est prêt à être implanté. L'implantation correspond à la reconnection des vaisseaux du greffon sur ceux du receveur et à la reconnection de la voie biliaire du greffon sur celle du receveur.

La reconnection des gros vaisseaux (veine cave et veine porte)

Si la veine cave n'a pas été conservée lors de l'hépatectomie totale, la veine cave du greffon remplace simplement la veine cave rétrohepatique du foie retirée. L'anastomose supérieure (suture) est faite avec le moignon de veine cave sus-hépatique et l'anastomose inférieure est faite avec le moignon cave sous-hépatique.

Dans des cas très particulier où la veine cave n'a pas été prélevée avec le greffon (donneur vivant ou foie partagé), il est nécessaire de remplacer la veine cave du patient par un greffon synthétique en goretex.

Si la veine cave a été conservée, elle est clampée dans son axe pour être ouverte longitudinalement sur 4 à 5 cm. La veine cave du greffon est fermée en bas et ouverte aussi longitudinalement pour être suturée bord à bord à la veine cave native. On parle d'anastomoses « face à face ».

Une fois l'anastomose cave terminé, l'anastomose entre la veine porte du greffon et du receveur est réalisée. La veine cave est remise en circuit la première puis la veine porte est déclampée progressivement. Le sang re-circule donc normalement à travers le foie en arrivant par la veine porte et se drainant par les veines sus-hépatiques dans la veine cave et le cœur. L'ischémie du greffon et l'anhépatie prennent fin.

La reconstruction artérielle

Une fois le déclampage portal réalisée, le temps presse moins pour l'équipe de transplantation qui peut se concentrer sur la suture la plus délicate: l'anastomose artérielle, c'est-à-dire la reconnection de la ou des artères du greffon sur le réseau artériel du receveur.

Cette anastomose est cruciale pour le bon fonctionnement du greffon et notamment la viabilité biliaire. Les variations anatomiques normales peuvent imposer la réalisation de plusieurs anastomoses artérielles afin de vasculariser l'ensemble du greffon. Ces anastomoses imposent des sutures sous loupes binoculaires (x 2.4) effectuées avec du fil chirurgical très fin. Dans le cas de transplantation d'un hémifoie, qu'il soit prélévé sur un donneur en mort encéphalique (foie partagé) ou chez un donneur vivant, l'anastomose artérielle est encore plus délicate et impose souvent l'utilisation d'un microscope opératoire (x10).

La reconstruction biliaire

Après la réalisaton de la cholécystectomie (ablation de la vésicule biliaire) sur le greffon, une suture bout-à-bout de la voie biliaire principale du greffon et du receveur est réalisée.

Si la voie biliaire principale du receveur n'est pas ou plus utilisable, une anastomose bilio-digestive est réalisée sur une anse digestive suturée en Y. En cas de doute sur l'étanchéité ou en présence d'une suture entre 2 canaux biliaires de taille très différentes, un drain en T (drain de Kher) peut être mis en place dans la suture biliaire afin d'extérioriser les sécrétions biliaires vers l'extérieur en post-opératoire. Ce drain est retiré après un contrôle radiologique 3 mois après la transplantation.

L'hémostase

A la fin de la réimplantation du foie, une hémostase (arrêt de tous les petits saignements) minutieuse est réalisée. Puisque le foie a un rôle essentiel dans la coagulation, l'amorçage du fonctionnement du greffon est nécessaire pour réaliser cette étape. Pour parfaire l'hémostase on utilise la coagulation électrique monopolaire et bipolaire, le bistouri à argon, les bio-compresses de collagène avec des facteurs de coagulation, les colles biologiques, les fils de suture.

Au terme de cette phase, il est classique de faire une pause dite "d'hémostase" d'une vingtaine de minutes pendant laquelle on laisse l'abdomen ouvert afin de vérifier l'absence d'hémorragie importante spontanée. Le but de cette étape est d'éviter au maximum la formation d'un hématome postopératoire qui peut nécessiter un geste de drainage ou une reprise au bloc opératoire.

Le drainage et la fermeture

Un ultime contrôle doppler per-opératoire est réalisé pour vérifier la bonne perméabilité des vaisseaux hépatiques. L'intervention chirurgicale se termine par la mise en place des drains autour du foie.

Les drains sont des tubes multiperforés en matériau biocompatible qui servent à évacuer les sécrétions intra-abdominales. L'aspect du liquide de drainage sert en post-opératoire à la réalisation d'une surveillance attentive et permet de diagnostiquer rapidement les principales complications qui nécessitent une intervention (chirurgicale ou médicale).

La paroi abdominale est fermée à la fin, en prenant soin de recoudre tous les plans musculaires un par un et réaliser une fermeture étanche de la peau.

La période post-opératoire immédiate

Dans la période qui suit immédiatement la transplantation hépatique, les patients ont besoin d'une surveillance continue et de beaucoup de soins qui sont prodigués en unité de réanimation. Le réveil s'effectue progressivement en réanimation et la sonde d'intubation oro-trachéale est retirée lorsque le patient est capable de respirer seul.

Les constantes vitales (pression artérielle, pouls, débit urinaire, saturation en oxygène) sont surveillées continuellement. Des radiographies thoraciques et échographies dopplers sont réalisées quotidiennement pendant au moins 5 jours pour contrôler l'absence d'anomalie pulmonaire ou hépatique.

Un traitement immunosuppresseur est débuté dès le premier jour et les taux plasmatiques sont suivis de façon très rapprochée au début. Le volume et l'aspect des drains abdominaux renseignent sur l'existence d'une complication et en particulier une hémorragie ou une fuite de bile.

Le bon fonctionnement du greffon est évalué par l'état de conscience du patient et l'amélioration du bilan biogique hépatique. Si le fonctionnement du greffon est nul au cours des 5 jours qui suivent la transplantation - ce qui est tout à fait exceptionnel - une retransplantation en super-urgence peut-être envisagée.

Si le greffon fonctionne « moyennement », la cause peut être chirurgicale (problème de perméabilité vasculaire ou biliaire) ou médicale (problème de mauvaise tolérance immunologique). Au moindre doute, un scanner abdominal est réalisé afin de vérifier l'absence d'anomalie pouvant être traitée chirurgicalement (épanchement liquidien, trouble de la vascularisation hépatique, hémorragie). En absence de problème "chirurgical", une biopsie hépatique par voie percutanée ou transjugulaire est réalisée afin de rechercher un « rejet » qui peut-être traité par une augmentation du traitement immunosuppresseur.