VIH et Maladie du Foie

Page mise à jour le 27/11/2014
Auteur : 
Dr. Audrey Coilly, Hépatologue

Les maladies hépatiques des patients infectés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH)

Depuis la mise sur le marché de traitements antirétroviraux (agissant contre le VIH) puissants et bien tolérés, la survie des patients infectés par le virus VIH a considérablement augmenté. En France, une enquête sur la mortalité en 2010 a révélé que seulement 25% des décès de ces patients étaient liés au SIDA, contre 47% en 2000. Les maladies du foie des patients infectés par le VIH représentaient 11% des décès.

Au sein de cette population, les hépatites virales constituent la principale cause de maladie hépatique. Chez les patients infectés par le VIH, la progression de la fibrose est plus rapide. Près de 30% des patients infectés par le VIH sont chroniquement coinfectés par un ou des virus des hépatites, que ce soit le virus de l’hépatite C (VHC), et/ou le virus de l’hépatite B, éventuellement associé au virus Delta (VHB/VHD).

VIH et Hépatite B

Environ 7% des patients infectés par le VIH sont porteurs chroniques d’une infection virale B. La maladie HIV aggrave l’évolution naturelle de l’infection virale B. 

En cas de coinfection VIH-VHB, le traitement antirétroviral est choisi avec soin car plusieurs molécules commercialisées sont actives à la fois sur le VIH et sur le VHB. Le traitement antirétroviral doit comporter préférentiellement deux molécules actives sur le VHB. Le ténofovir est un traitement de choix, associé si possible à la lamivudine ou à l’emtricitabine.

Le dépistage de la fibrose hépatique, la surveillance de l’efficacité et de la tolérance du traitement s’appliquent comme chez les patients monoinfectés par le VHB, en particulier au stade de cirrhose avec le dépistage du carcinome hépatocellulaire.

Dans le cas où le patient n’a pas été en contact avec le virus de l’hépatite B, une vaccination est nécessaire (obtention d’un titre d’anticorps anti-VHB protecteur).

VIH et Hépatite C

La co-infection VIH-VHC est plus fréquente (16 à 19% des patients infectés par le VIH). Là encore, la maladie HIV aggrave l’évolution naturelle de l’infection virale C. Cette co-infection entraîne de nombreuses complications qui peuvent être graves.

Jusqu’à récemment, le problème majeur était l’efficacité et la tolérance du traitement du VHC dans cette population. En effet, le traitement était basé sur l’interféron pégylé et la ribavirine (Peg-IFN/RBV) puisqu’aucune molécule antirétrovirale n’avait démontré d’activité antivirale C. Cette association est moins efficace chez le patient coinfectés et surtout mal tolérée. La commercialisation de molécules à action antivirale C directe sur le génotype 1 (bocéprévir et télaprévir) n’a pas permis de s’affranchir des problèmes de tolérance du traitement puisque l’association avec l'Interféron pégylé et la Ribavirine était toujours requise. Surtout, ces deux molécules ont de fortes interactions avec certains traitements antirétroviraux, rendant leur utilisation complexe.

Depuis 2014 en France, plusieurs traitements antiviraux C de nouvelle génération sont commercialisés (sofosbuvir, siméprévir, daclatasvir...). Leur association permet de limiter voire d’éviter l’utilisation de l'Interféron. L’efficacité et la tolérance de ces molécules sont excellentes. Même si le nombre d’études chez les patients coinfectés reste limité, plusieurs  d’entre elles suggèrent une efficacité équivalente à celle de la population monoinfectée par le VHC. Il existe cependant encore quelques interactions médicamenteuses entre ces nouvelles molécules antivirales C et le traitement antirétroviral qui nécessite l’avis d’un spécialiste. Le dépistage de la fibrose hépatique et de la cirrhose est important de façon à prévenir les complications hépatiques comme le carcinome hépatocellulaire, qui peut survenir même si la guérison du VHC est obtenue.

Autres maladies hépatiques liées au VIH

D’autres maladies hépatiques plus rares peuvent survenir chez le patient infecté par le VIH. Elles sont souvent liées à la toxicité du traitement antirétroviral, plus fréquente avec les traitements d’ancienne génération.

Des hépatites aiguës parfois graves sont rapportées avec certains traitements, mimant parfois une hépatite auto-immune. Cela s'est présenté par exemple avec les INNTI de première génération. La surveillance biologique qui accompagne la prescription du traitement anti-VIH permet de les dépister précocement.

Une maladie qui touche les petits vaisseaux intra-hépatiques, appelée hyperplasie nodulaire régénérative, peut être liée à la prise de certains traitements comme la didanosine. Elle peut être également liée à un état pro-coagulant du patient infecté par le VIH (déficit de protéine anticoagulante physiologique, S ou C). Cette maladie conduit à une hypertension portale parfois sévère.

Dans les années à venir, grâce aux progrès thérapeutiques réalisés concernant aussi bien le VIH que le VHC, le spectre des maladies hépatique du patient infecté par le VIH va évoluer. On s’attend à observer plus de maladies liées aux comorbidités de ces patients comme la maladie alcoolique ou la stéato-hépatite métabolique, liée entre autres au surpoids et au diabète de type II. Cette maladie peut aussi être induite par certains inhibiteurs de protéase du VIH.

Le dépistage des maladies hépatiques doit être systématique dans cette population permettant d’évaluer le risque d’évolution vers la cirrhose et le carcinome hépatocellulaire. En raison d’une vitesse de progression particulièrement rapide du carcinome hépatocellulaire chez les patients infectés par le VIH, l’élaboration d’un programme de dépistage spécifique et rapproché est actuellement en cours.

La prise en charge des maladies hépatiques  dans un contexte d’infection VIH doit se faire dans un centre expert car plusieurs spécialistes doivent interagir, hépatologues, infectiologues, virologues et pharmacologues.