Traitement du Carcinome Hepatocellulaire

Page mise à jour le 07/10/2014
Auteur : 
Dr. E. Vibert, Chirurgien

Le traitement du CHC est indispensable sous peine d'une évolution toujours fatale. Il doit cependant tenir compte de la cause et de la gravité de la maladie hépatique sous-jacente. On cherche toujours à traiter parallèlement la cause de la maladie hépatique si ce traitement existe et qu'il est envisageable.

C'est la gravité de la maladie hépatique sous-jacente, évaluée par le score de CHILD et/ou de MELD, et l'extension du cancer qui vont dicter les possibilités thérapeutiques. Les moyens thérapeutiques employés contre le CHC sont la transplantation hépatique, la chimioembolisation, la destruction locale, la radiothérapie, la résection chirurgicale et la chimiothérapie.

La transplantation

Le meilleur traitement du CHC est de manière quasi-certaine la greffe d'un nouveau foie, car cela traite en même temps la maladie cancéreuse et sa cause, la cirrhose. Les limites de ce traitement sont celles de la faible disponibilité des greffons hépatiques (environ 1200 par an pour toute le France). Dans ce contexte de pénurie d'organe, des règles d'attribution des greffons pour les patients porteurs d'un carcinome hépatocellulaire ont été établies afin que ces opérations aient de bon résultats, identiques à ceux des malades transplantés pour cirrhose mais sans CHC.

Des critères internationaux définissent les conditions d'attribution d'un greffon hépatique aux patients atteints de CHC sur cirrhose. Les "critères de Milan" ont prévalu jusqu'à 2012. Ils prévoient qu'une transplantation hépatique est autorisée si un malade présente 2 ou 3 nodules dont le plus gros fait au maximum 3 centimètres, ou 1 nodule unique d'au maximum 5 centimètres. Si ces critères sont confirmés par l'analyse histologique du foie malade retiré (foie explanté), le risque de dissémination tumorale en dehors du foie est extrêmement faible et le taux de survie des patients 10 ans après la transplantation est de l'ordre de 60 à 70%.

En 2012, de nouveaux critères d'attribution de greffons pour les malades ayant un CHC ont été mis en place. Ces critères permettent d'attribuer un greffon à un patient ayant 1 nodule mesurant jusqu'à 6 cm de diamètre, ou 4 nodules de moins de 3 cm si le taux d'alphafoetoprotéine est inférieur à 100 ng/ml.

Le risque de la transplantation hépatique pour CHC est lié à la nécessité d'attendre un greffon souvent plusieurs mois. Pendant cette attente, la maladie peut progresser et le malade peut sortir des critères de la transplantation, il est donc nécessaire de traiter le malade en liste d'attente afin de ralentir la progression du cancer. Il est parfois possible de diminuer le temps d'attente en proposant au malade une alternative à la transplantation hépatique "classique":

  • transplantation d'un hémifoie : hémifoie issu d'un don intrafamilial (greffe à donneur vivant), ou hémifoie issue d'un greffon de donneur décédé partagé entre deux receveurs,
  • transplantation d'un foie prélevé chez un donneur à cœur arrêté, un donneur anti-Hbs positif ou porteur d'une neuropathie amyloide.

La chimioembolisation

C'est une injection de chimiothérapie par voie artérielle qui exploite le caractère hypervasculaire du CHC. Cette injection de chimiothérapie est effectuée directement dans l'artère hépatique que l'on atteint par l'aorte en faisant progresser sous contrôle radiologique un cathéter introduit au pli de l'aine, dans l'artère fémorale.

L'injection de chimiothérapie est associée à l'injection d'un produit graisseux et hydrophobe, le lipiodol, qui se mélange à la chimiothérapie et se fixe préférentiellement au niveau des cellules cancéreuses. Par ailleur, le lipiodol a la particularité d'être visible sur les clichés radiologiques, c'est un produit radio-opaque. Cette caractéristique permet d'évaluer l'efficacité du traitement : plus un nodule a « fixé » le lipiodol, plus il est spontanément visible au scanner et plus le traitement est efficace.

Chez les patients ayant un fonctionnement hépatique correct (CHILD A et/ou MELD<10), cette injection est associée à une embolisation : obstruction temporaire de l'artère hépatique elle-même ou des branches qui vascularisent la tumeur. Cette obstruction temporaire est effectuée avec des éponges microscopiques qui se délitent ensuite en 4 à 5 jours. Son intérêt est d'éviter le « lavage » du produit de chimiothérapie par le flux sanguin pour en augmenter encore l'efficacité.
L'embolisation artérielle n'est pas réalisée si le fonctionnement hépatique est trop dégradé, s'il existe une obstruction de la veine porte ou si l'artère hépatique est déjà abîmée par des traitements précèdents. Dans ce cas, on effectue l'injection de chimiolipiodol sans embolisation. Enfin, l'insuffisance rénale grave est une contre-indication à la réalisation du traitement lui-même car l'injection d'iode, qui est nécessaire même pour le « chimiolipiodol sans embolisation », est dangereuse pour les reins.

La chimioembolisation est très fréquemment réalisée au Centre Hépato-Biliaire où les radiologues ont une grande expérience de cette procédure. Cette intervention nécessite une hospitalisation de 4 à 5 jours, temps nécessaire pour que l'artère se réperméabilise. Ce traitement peut être responsable de fièvre et de douleur modérée au niveau du foie avec parfois une augmentation des taux sanguins de ASAT et ALAT. Grâce à une prise en charge spécifique de la douleur, ces effets secondaires sont bien tolérés et disparaissent spontanément.

L'efficacité de ce traitement est évaluée par un scanner et/ou une IRM à 1 mois après l'intervention. Sur ce scanner, on évalue la fixation du « lipiodol » au niveau du ou des nodules et la persistance ou non d'une hypervascularisation du CHC. L'intensité de la fixation est corrélée à l'efficacité du traitement. Un taux d'AFP en baisse, s'il était élévé avant le traitement, est aussi une preuve d'efficacité du traitement.

La chimioembolisation peut-être réalisée dans un programme d'attente de la transplantation ou comme traitement unique chez un patient qui ne relève pas ou pas encore de la chirurgie - patient âgé, ou présentant des tumeurs trop nombreuses pour la transplantation. Ce traitement peut-être répété plus de 10 fois avec des résultats individuels parfois très satisfaisants.

La destruction locale

Les procédés de destruction locale sont la radiofréquence pour les tumeurs de moins de 2 cm et la destruction par micro-ondes pour les tumeurs de 2 à 4 cm.

La radiofréquence est un traitement local de destruction du CHC. Ce traitement consiste à introduire, le plus souvent par ponction cutanée, une aiguille au bout de laquelle se déploient des aiguilles très fine sous la forme d'un palmier. Ces aiguilles sont déployées dans la tumeur et permettent sa nécrose thermique par l'application d'un courant électrique interne.

La destruction par micro-ondes consiste aussi à ponctionner la tumeur avec une aiguille afin d’appliquer en son centre une chaleur transmission de micro-ondes. Cette technique est plus rapide et plus puissante que la radiofréquence et permet de détruire de plus grosses tumeurs.

Au Centre Hépato-Biliaire, ces traitements sont effectués au bloc opératoire sous anesthésie générale par les chirurgiens et non pas par les radiologues, comme dans beaucoup d'autres centres. Ils nécessitent une bonne visibilité de la tumeur sous échographie. Exceptionnellement, si la tumeur est difficile d'accès ou si elle est peu visible en échographie, ces traitements peuvent-être réalisés à l'aide d'un scanner, au service de radiologie. Les chirurgiens se déplacent alors pour faire ce traitement en collaboration étroite avec les radiologues et les anesthésistes.

Ce traitement ne peut pas être réalisé si le CHC dépasse 4 cm et surtout s'il existe plus de 2 nodules. Les autres contre-indications à ce traitement sont l'ascite, la présence d'une dilatation des voies biliaire, ou un taux de plaquettes inférieur à 50 000/ml.

L'efficacité du traitement est évaluée par l'imagerie et l'évolution du taux d'alphafoetoprotéine (AFP) s'il était élevé avant le traitement. C'est le scanner, l'IRM ou encore l'échographie qui permettent d'évaluer la persistance ou non d'une vascularisation du CHC afin d'appréhender la « vitalité » du cancer.

Le principal avantage de la chirurgie par rapport à ces procédés de destruction locale  est la possibilité d'emporter autour du cancer une marge de foie «sain» dans lequel on peut trouver des cellules cancéreuses microscopiques. La présence de ces cellules cancéreuse est d'autant plus fréquente que le cancer est gros. Donc, il est probable que la destruction locale soit aussi efficace que la chirurgie pour les tumeurs inférieures à 2 cm où le risque d'extension microscopique dans le foie en périphérie de la tumeur est très faible. En revanche, pour des tumeurs supérieures à 2 cm, la chirurgie fait mieux que la destruction locale. Cependant, la chirurgie (hépatectomie sur cirrhose) présente pour le patient un risque supérieur à la destruction locale, surtout si elle emporte beaucoup de foie « sain ». De fait, c'est la localisation du cancer sur le foie et l’état général des patients qui vont faire décider d’une hépatectomie ou une destruction locale. Finalement, l'hépatectomie est réalisée le plus souvent pour des tumeurs superficielles alors que les destructions locales sont réservées aux tumeurs plus profondes de moins de 3 cm chez les patients fragiles.

La radiothérapie externe

La radiothérapie par voie externe est une alternative à la destruction locale du CHC unique de moins de 3 cm, surtout si la maladie est située dans la partie haute du foie. Cette radiothérapie s’effectue en plusieurs séances. Pour les patients suivis au Centre Hépato-Biliaire, cette radiothérapie est le plus souvent effectuée à l’Institut Gustave Roussy.

La résection chirurgicale (hépatectomie)

La résection chirurgicale du CHC qui emporte au moins 2 cm de marge de foie « sain » est un traitement très efficace du CHC. Les dangers de ce traitement sont principalement liés à l'état général des patients et surtout à leur fonction hépatique. Pour pouvoir supporter une résection de foie cirrhotique (hépactectomie sur cirrhose), les malades doivent avoir un bon fonctionnement cardiaque et respiratoire, et un fonctionnement hépatique quasi-normal (score de CHILD A, score de MELD inférieur à 10).

Chez des patients sélectionnés, la chirurgie, de préférence sous coelioscopie (chirurgie mini-invasive), apporte les meilleurs résultats après la transplantation dans le traitement du CHC supérieur à 3 cm.

La chimiothérapie intra-veineuse ou orale

Les chimiothérapies intra-veineuses classiques (systémiques), proposées depuis plusieurs années, se sont montrées peu efficaces contre le CHC. Outre la particularité tumorale, c'est souvent la maladie hépatique sous-jacente qui imposait de faibles dosages et donc une faible efficacité.

Depuis 2007, de nouvelles molécules ont fait leur apparition dans l'arsenal thérapeutique contre le CHC. Ce sont des traitements ciblés : ils agissent sur des récepteurs tumoraux spécifiques du cancer pour empêcher notamment le développement de micro-vaisseaux qui alimentent le cancer et permettent son développement. Ces nouveaux médicaments, appelés anti-angiogéniques, se prennent par voie orale et ont montré leur efficacité chez des patients ne répondant plus à la chimioembolisation et ayant une cirrhose avec un bon fonctionnement hépatique (CHILD A). Actuellement, c’est le Sorafénib (Nexavar©) qui est le médicament le plus efficace.